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Publié par Me Robert E. Boyd, CRIA, Cain Lamarre, le 4 septembre 2024
Gestion et RH
Harcèlement et violence sexuelle au travail: des actions à prendre avant le 27 septembre 2024!

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Le 21 mars 2024, un peu de plus de vingt ans après l’entrée en vigueur des dispositions de la Loi sur les normes du travail en matière de harcèlement psychologique, le législateur québécois a procédé à une importante mise à jour des mesures de protections de travailleurs en adoptant la Loi visant à prévenir et à combattre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel en milieu de travail (la « Loi »). De nombreuses lois du travail sont modifiées afin d’offrir des protections législatives accrues aux victimes de harcèlement psychologique et de violence à caractère sexuel en milieu de travail et de prévenir la manifestation de telles conduites. 

Nous abordons ici certaines des principales mesures introduites en matière de violence à caractère sexuel en milieu de travail.

Contenu obligatoire de la politique de prévention du harcèlement psychologique 

D’ici au 27 septembre 2024, toute politique de prévention du harcèlement psychologique adoptée par un employeur devra comporter un contenu minimal détaillé prescrit par la loi. Une mise à jour importante devra être effectuée afin d’y inclure les éléments suivants :  

  • Les méthodes et techniques utilisées afin d’identifier et de contrôler les risques de harcèlement psychologique, y compris les conduites à caractère sexuel; 
  • Les modalités applicables pour faire une plainte ou un signalement ainsi que les personnes désignées pour prendre en charge une plainte pour harcèlement, et l’information sur le suivi;  
  • La mention de programmes d’information et de formation offerts en matière de prévention du harcèlement; 
  • Les règles encadrant les activités sociales organisées par l’employeur;  
  • Les mesures de protection des personnes concernées par une situation de harcèlement psychologique ou celles ayant collaboré au traitement d’une plainte ou d’un signalement;  
  • Le processus de prise en charge, incluant le processus applicable lors de la tenue d’une enquête par l’employeur;  
  • Les mesures visant à assurer la confidentialité d’une plainte, d’un signalement, d’un renseignement ou d’un document reçu;  
  • Le délai de conservation des documents confidentiels, lequel doit être d’au moins deux ans.  

Les employeurs assujettis à l’obligation de mettre en place un plan d’action ou un programme de prévention en vertu de la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail au Québec (projet de loi 59) devront, dès le 6 octobre 2025, y intégrer leur politique de prévention du harcèlement et de traitement des plaintes. 

Inapplicabilité des clauses d’amnistie pour les inconduites liées à la violence à caractère sexuel 

En contexte syndiqué, plusieurs conventions collectives prévoient des clauses d’amnistie selon lesquelles une mesure disciplinaire devient caduque après une certaine période de « bonne conduite ». Désormais, un employé ayant fait l’objet d’une mesure disciplinaire en raison d’inconduites liées à la violence à caractère sexuel ne pourra plus se prévaloir de telles clauses d’amnistie afin de faire valoir un dossier disciplinaire vierge et éviter l’imposition de mesures disciplinaires plus sévères. Les employeurs pourront ainsi sévir de façon plus sévère lors de récidivistes en matière de violence à caractère sexuel. 

Intensification de l’obligation de prévention de l’employeur 

La Loi précise que l’obligation de l’employeur de prévenir et de faire cesser le harcèlement psychologique s’étend au harcèlement provenant de « toute personne » présente dans le milieu de travail, y compris, mais sans s’y limiter, les clients, fournisseurs et autres visiteurs. Ce principe déjà largement reconnu dans la jurisprudence en droit du travail permettra d’écarter toute ambiguïté quant à la responsabilité de l’employeur de protéger ses employés à l’égard de toute forme de harcèlement dans le milieu de travail, même lorsque le harcèlement provient de tiers. 

Interdiction de représailles pour les lanceurs d’alerte 

La Loi accorde une protection accrue aux personnes qui signalent une situation de harcèlement dont elles ont été témoins. Il est interdit pour un employeur d’exercer des mesures de représailles contre un salarié à cet effet, celui-ci bénéficiant d’un recours en cas de contravention. 

Nouvelle présomption pour les victimes de violence à caractère sexuel 

La Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles est modifiée afin d’introduire deux présomptions facilitant la reconnaissance des lésions professionnelles résultant de la violence à caractère sexuel. La première prévoit qu’une blessure ou une maladie d’un travailleur est présumée être survenue au travail lorsqu’elle résulte de la violence à caractère sexuel commise par l’employeur, ses dirigeants ou un travailleur lui fournissant ses services. La seconde prévoit que toute maladie survenant dans les trois mois suivant la survenance d’une situation de violence à caractère sexuel subie par le travailleur sur les lieux de travail est présumée être une lésion professionnelle. Cet ajout allège considérablement le fardeau de la preuve assumé par les victimes afin de démontrer l’existence d’une lésion professionnelle. 

Imputation des lésions professionnelles résultant de violence à caractère sexuel à tous les employeurs 

La nouvelle exception en matière d’imputation établit quant à elle que, lorsque la lésion professionnelle d’un travailleur résulte de la violence à caractère sexuel qu’il a subie, le coût des prestations liées à cette lésion est imputé aux employeurs de toutes les unités. 

Délai distinct de deux ans pour produire une réclamation en lien avec les violences à caractère sexuel 

Un travailleur dispose d’un délai de six mois afin de soumettre une réclamation pour lésion professionnelle. Le délai pour produire une réclamation à la CNESST pour une maladie professionnelle résultant de la violence à caractère sexuel est établi à deux ans.  

Une définition de « violence à caractère sexuel » 

Le législateur définit la notion de « violence à caractère sexuel » à la Loi sur la santé et la sécurité du travail. Toute forme de violence, tous comportements ou propos à connotation sexuelle, même isolés, constituent de la violence à caractère sexuel. Y est également incluse toute violence relative à la diversité sexuelle et de genre.  

Conclusion 

Les nouvelles mesures introduites par le législateur favoriseront certainement la prévention et la lutte contre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel, en plus d’accompagner plus adéquatement les victimes de telles inconduites. Compte tenu des obligations des employeurs en la matière, la vigilance est de mise et des ajustements seront nécessaires, tant sur le plan des pratiques que des politiques. 

Notre équipe en droit du travail et de l’emploi demeure disponible pour vous accompagner dans la mise en place de ces diverses mesures visant à prévenir et combattre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel en milieu de travail. 

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Robert E. Boyd est responsable du groupe de pratique en droit du travail et de l'emploi chez Cain Lamarre. Il accompagne les employeurs de divers secteurs afin de mettre en place les bonnes pratiques, prévenir les litiges et prendre les bonnes décisions stratégiques lors de conflits inévitables. À titre d'avocat et de conseiller en relations industrielles agréé, il favorise une approche pragmatique des relations de travail afin de proposer des solutions concrètes visant à résoudre des situations complexes et ainsi éviter des litiges lorsque le contexte s'y prête. Il conseille et assiste sa clientèle dans tous les domaines du droit du travail et de l'emploi, y compris les enjeux liés aux plaintes de harcèlement, les pratiques d'embauche, la gestion du rendement, les régimes de retraite, la santé et la sécurité du travail, les normes du travail, les droits de la personne et les cessations d'emploi.
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