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Publié par Me Jean-Alexandre Savard, avocat, le 3 juillet 2019
Cas d'invalidité
Invalidité au travail et congédiement : ce qu'il faut savoir

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La gestion des absences et des invalidités au travail peut causer bien des maux de tête aux employeurs. Lorsqu'un employé n’est pas en mesure d’offrir une prestation de travail normale pour des raisons de santé (invalidité, maladie, handicap, etc.), un employeur peut mettre fin au contrat de travail qui les lie.

Bien que ce droit soit reconnu, l’exercice de celui-ci doit se faire conformément à la loi et aux principes développés par la jurisprudence. Dans cet article, nous abordons le congédiement pour absentéisme excessif en milieu non-syndiqué.

Invalidité et travail : Droits et obligations du salarié

Certaines dispositions de la Loi sur les normes du travail (la « LNT ») confèrent au salarié la possibilité de s’absenter pour divers motifs. L’article 79.1 LNT prévoit le droit d’un employé comptant trois mois de service continu de s’absenter jusqu'à 26 semaines sur une période de 12 mois pour cause de maladie, de don d’organes ou de tissus à des fins de greffe, d’accident, de violence conjugale ou de violence à caractère sexuel. Lorsque l’absence résulte d’un acte criminel, l’absence permise se prolonge à 104 semaines.

Par ailleurs, l’article 79.4 LNT prévoit l’obligation qui incombe à l’employeur de réintégrer le salarié dans son poste habituel à la fin d’une telle période d’absence. Ces dernières dispositions n’ont toutefois pas pour effet d’empêcher un employeur de congédier, de suspendre ou de déplacer un salarié en raison de son absentéisme.

En effet, l’article 2085 du Code civil du Québec définit le contrat de travail comme « celui par lequel une personne, le salarié, s’oblige, pour un temps limité et moyennant rémunération, à effectuer un travail sous la direction ou le contrôle d’une autre personne, l’employeur ». L’employeur est donc en droit de s’attendre à ce que le salarié fournisse une prestation normale de travail.

Recours du salarié

S’il croit avoir été victime d’une sanction (congédiement, suspension, déplacement ou autres mesures discriminatoires ou de représailles) en raison de l’exercice du droit prévu à l’article 79.1 LNT, le salarié peut déposer une plainte à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail en vertu de l’article 123 LNT.

Lorsque l’absence du salarié a excédé 26 semaines sur une période de 12 mois, ce dernier n’est pas protégé par l’article 79.1 LNT, mais peut toute de même déposer une plainte pour congédiement sans cause juste et suffisante (art. 124 LNT), s’il justifie deux ans de service continu pour l’employeur.

Fardeau qui incombe à l'employeur

Une absence pour maladie pendant plus de 26 semaines par an ne crée pas nécessairement une cause juste et suffisante de congédiement. En effet, lorsque l’absentéisme est causé par un handicap au sens de la Charte des droits et libertés de la personne, un employeur qui souhaite mettre fin au lien d’emploi qui le lie à un salarié invalide, malade ou handicapé devra démontrer l’existence des éléments suivants :

  • le caractère excessif de l’absentéisme du salarié : l’employeur doit établir la fréquence des absences du salarié. Il pourra notamment démontrer que le taux d’absentéisme du salarié excède de façon appréciable celui des autres salariés de l’entreprise, et ce, sur une période de quelques années.
  • l’impossibilité d’offrir une prestation de travail normale dans un avenir prévisible : cette démonstration exige généralement une preuve médicale. Cependant, lorsque les causes de l’absentéisme du salarié sont multiples et variées, la jurisprudence a déterminé que le salarié pourra se voir imposer le fardeau de prouver sa capacité à livrer une prestation de travail normale dans l’avenir.
  • le salarié a été avisé des conséquences susceptibles de découler de son absentéisme excessif : un tel avis, qui revêt la forme d’une lettre, s’inscrit généralement dans le cadre d’un programme de gestion de l’absentéisme. Il ne s’agit pas d’une mesure disciplinaire, mais bien purement administrative.

Outre ces éléments, l’employeur doit faire la preuve qu’il a satisfait à son obligation d’accommodement à l’égard du salarié, sans contrainte excessive. Ainsi, il doit prendre les moyens raisonnables afin d’accommoder le salarié, pour autant que cela ne lui cause pas une contrainte excessive. Il pourra notamment exiger qu’il effectue un retour au travail à temps partiel, adapter son poste de travail, lui attribuer d’autres tâches, etc.

Conclusion

Compte tenu du fardeau de preuve qui lui incombe, un employeur doit être prudent avant de procéder au congédiement d’un salarié absent du travail pour des raisons d’invalidité, de maladie ou d’handicap.

De façon concrète, cela signifie qu’un employeur doit, pendant tout le cheminement du dossier d'invalidité au travail :

  • documenter les dossiers d’invalidité au travail (fréquence des absences, mesures mises en place, avis écrits transmis, etc.);
  • suivre assidûment l’état du dossier médical (suivis médicaux fournis par le salarié, recommandations du médecin traitant, suggestions d’accommodements, expertise au besoin, etc.).

Chaque cas est un cas d’espèce et devra donc être analysé en conséquence. Pour en apprendre davantage, communiquez avec Me Sarah Campeau Lortie ou Me Jessica Gauthier de chez Stein Monast dès maintenant.

*Cet article a été écrit avec la contribution de Me Jessica Gauthier.

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Me Jean-Alexandre Savard concentre principalement sa pratique dans le domaine du droit du travail et de l’emploi.
Me Jean-Alexandre Savard, avocat
Me Jessica Gauthier oeuvre principalement dans les domaines du droit des assurances, de la responsabilité civile et de la responsabilité professionnelle. Elle a eu l’occasion de représenter de nombreux assureurs et exécuté des mandats variés en matière de subrogation, de défense des assurés, de couverture d’assurance et de fraude, en assurance de dommage et de personnes.
Me Jessica Gauthier, avocate chez Stein Monast S.E.N.C.R.L.
Me Sarah Campeau-Lortie travaille principalement dans les domaines du droit du travail et de l’emploi, de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels ainsi que du litige civil et administratif.
Me Sarah Campeau Lortie, avocate chez Stein Monast S.E.N.C.R.L.