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Publié par Martin Papillon, FSA, FICA, MBA, le 27 juin 2018
Solutions pour économiser
Réduire les salaires pour défrayer les coûts de l’assurance ?

Coûts d'assurance

Je suis récemment tombé sur un document recommandant la prise en charge à 100% des primes d’assurance collective par l’employeur. L’auteur y indiquait notamment qu’il était avantageux d’un point de vue financier, de réduire le salaire des employés et, en contrepartie, de faire payer la totalité de la prime par l’employeur, plutôt que de conserver les salaires à leur niveau actuel et de prévoir un partage des primes à 50%, par exemple, avec les employés.

Qu’en est-il vraiment ? Le concept permet-il d’épargner les coûts de l'assurance réellement et de façon durable ? Comporte-t-il des risques fiscaux ? Voici des réponses !

Origine du concept

Le concept de réduction des salaires en contrepartie du paiement des primes, aussi appelé normalisation, remonte aux années 1990, alors que de nombreux conseillers en ont fait la promotion. Le concept est simple, lorsque l’employé paye sa part des primes d’assurance collective, il le fait avec des dollars après impôt : le salaire qui lui a été versé par son employeur a été sujet à toutes les charges sociales, de même qu’à l’impôt provincial et fédéral, avant de servir à payer les primes d’assurance. En théorie, le paiement des primes par l’employeur en échange d’une réduction de salaire permettait d’éviter ces impôts et charges sociales et donc de réduire les coûts de l'assurance des protections offertes.

Évolution de l’environnement fiscal québécois

Toutefois, au fil des années, la fiscalité québécoise a grandement évolué. Les primes payées par l’employeur à l’égard des régimes de soins de santé, soins dentaires et assurance vie, décès accidentel et maladies graves constituent un avantage imposable au niveau provincial (au Québec seulement). Qui plus est, cet avantage imposable est assujetti aux cotisations au Régime de rentes du Québec, au Fonds des services de santé, à la CNESST et au Fonds de développement et de reconnaissance des compétences de la main-d’œuvre.

Au niveau provincial, seule la cotisation au régime québécois d’assurance parentale est épargnée !

Qu’en est-il du fédéral ?

Pour l’instant, seule la prime d’assurance vie, décès accidentel et maladies graves payée par l’employeur constitue un avantage imposable au fédéral. Les primes versées à l’égard des autres garanties ne sont pas sujettes à l’impôt fédéral ni à l’assurance emploi.

Économies potentielles sur les coûts de l'assurance

Malgré les règles actuelles, il est toujours possible de réaliser certaines économies, particulièrement si les primes d’assurance invalidité représentent une portion importante des coûts d’assurance. L’économie potentielle variera donc grandement d’un employeur à l’autre et d’un participant à l’autre, selon les couvertures choisies (protection individuelle, familiale ou exemptée) et selon les salaires. Dans un groupe type, nous avons estimé les économies de première année à environ 20% des primes d’assurance collective totales.

Est-ce légitime ?

Mais la question de fonds demeure : est-il légitime pour l’employeur de réduire le salaire de ses employés plutôt que de leur faire verser leur part des primes en argent après impôt, afin d’éviter l’impôt fédéral des particuliers et la cotisation à l’assurance emploi sur ces primes ? La réponse sera déterminée au cas par cas, selon les faits propres à chaque employeur.

S’il y a eu conclusion d’un nouveau contrat de travail avec les employés, explicitant cette réduction de salaire et l’engagement de l’employeur à prendre en charge l’assurance, la transaction sera probablement acceptée par l’ARC.

Dans l’éventualité où l’employeur continue d’administrer les anciens salaires et de les documenter dans les lettres de révisions annuelles, et qu’il procède annuellement à un recalcul systématique de la normalisation des salaires pour tenir compte des hausses de prime, il pourrait être fort difficile de prétendre qu’un nouveau contrat a été conclu… et la réduction de salaire, jugée factice, pourrait être assujettie à l’impôt fédéral et à l’assurance emploi si l’employeur fait l’objet d’une vérification.

Au final, est-ce une bonne solution ?

Compte tenu du contexte fiscal actuel, procéder à un exercice annuel de normalisation des salaires pour faire assumer par l’employeur le coût total du régime d’assurance collective nous apparaît à la fois fastidieux et inutilement risqué.

Un exercice de normalisation ponctuel et unique, visant à redéfinir le contrat de travail et prévoir la prise en charge des coûts de l’assurance par l’employeur est un exercice qui peut permettre des économies, mais il comporte son lot de difficultés :

  • L’employeur pourrait faire face à des augmentations de primes futures plus importantes que les salaires puisque les garanties de soins de santé ont historiquement été sujettes à une inflation annuelle assez sévère. Selon nos calculs, les économies pourraient se transformer en coût additionnel en moins de 5 ans.
  • L’équité entre les employés pourrait être questionnée, puisque le participant dont le salaire est normalisé alors qu’il bénéficie d’une protection individuelle sera moins réduit que celui d’un employé qui bénéficie d’une protection familiale : nous aurions donc deux employés dans le même poste avec des niveaux de salaire différents.
  • L’exercice de normalisation résultera en une réduction de la protection offerte à l’employé puisque le montant des protections d’assurance basées sur le salaire, comme l’assurance vie et l’invalidité de courte et de longue durée, seront nécessairement basées sur le salaire réduit.

En conclusion

Bien que l’idée de la normalisation soit bonne, les contextes législatifs et fiscaux actuels font en sorte qu’elle est peu avantageuse pour un employeur.

Vous avez appliqué la normalisation dans votre entreprise au cours des dernières années et voulez être conseillé sur la meilleure façon d’en sortir ? Consultez un conseiller de chez AGA Assurances Collectives !

rentes-collectives

Martin Papillon est Fellow de l’Institut canadien des actuaires et détient un MBA de HEC Montréal. Il travaille depuis le début de sa carrière dans le secteur des rentes et des assurances collectives. Avant de se joindre à AGA en 2013, il a occupé des postes de conseil et de direction dans des firmes d'actuaires-conseil d'envergure internationale.
Martin Papillon, FSA, FICA, MBA